DOSSIER DE PRESSE

Monsieur le Ministre de la Santé

                        8, avenue de Ségur

                        75007 PARIS

Monsieur le Ministre,

C’est en qualité de Président du Collège Français d’Echographie Fœtale que je viens vers vous.

De nombreux indicateurs me conduisent à vous exprimer ma plus vive inquiétude à propos de la pérennité de la pratique de l’échographie prénatale par les médecins du secteur 1 et, en conséquence, du risque d’accès inéquitable à cet outil diagnostique pour les familles.

Le rapport Dommergues-Bessis (en document joint), portant sur l’état de l’échographie fœtale française et sollicité par votre prédécesseur, faisait état en 2003 d’une précarisation préoccupante de notre activité.

Depuis 1983, la rémunération de l’échographie obstétricale a été dépréciée de plus de 100 % quand on la compare à l’évolution de l’indice INSEE du coût de la vie. Les échographistes ont alors été conduits à augmenter au fil des années leur temps de travail ; d’autres se sont tournés vers des activités différentes.

L’arrêt de la Cour de Cassation (dit « Arrêt Perruche ») et l’application de sa jurisprudence à la fin de l’année 2001 ont entraîné, comme vous le savez, un fort mouvement de désaffection des professionnels du diagnostic prénatal.

La conjonction de ces circonstances a installé un déficit de l’offre échographique, déficit qui devrait devenir aigu à moyen terme, car les jeunes générations de médecins ne portent qu’un intérêt très limité à cette activité devenue peu attractive.

On estime qu’environ les 2/3 des échographies de suivi des 800 000 grossesses annuelles sont effectués dans le secteur libéral. Il faut ajouter que la majorité des examens réalisés en secteur public est le fait de médecins libéraux vacataires.

Selon la C.N.A.M, l’échographie fœtale en secteur libéral est assurée à 74 % par des médecins du secteur 1 et à 26 % par des praticiens du secteur 2.

Compte tenu de l’absence de revalorisation tarifaire, les échographistes à forte orientation obstétricale, confinés d’autorité en secteur 1 depuis 1989, ne peuvent maintenir leur activité qu’en appliquant largement des dépassements d’honoraires (DE). Cette pratique, non prévue par la nomenclature, est cependant tolérée depuis plusieurs années par la plupart des CPAM pour éviter la cessation d’activité de cette catégorie de professionnels.

Dans les travaux préparatoires de la CCAM, les experts de la CNAM ont eux-mêmes jugé que l’échographie fœtale était largement sous cotée et ont estimé qu’une rémunération réaliste se situait au delà du double de la cotation actuelle…

Cependant, il apparaît que les nouvelles dispositions conventionnelles ne prévoient pas un ajustement tarifaire de cet ordre et qu’elles limitent, de surcroît, les possibilités de dépassement pour les médecins du secteur 1.

L’accès au secteur 2 étant verrouillé, beaucoup d’échographistes du secteur 1 ne se sentiront pas en mesure de signer la nouvelle convention, estimant qu’il s’agit d’un contrat économiquement impossible. Ils vont se voir contraints de quitter le secteur conventionnel. D’autres réorienteront leur activité vers des centres d’intérêt différents, aggravant encore le déséquilibre entre l’offre et la demande : ce qui constitue un paradoxe car le potentiel de médecins formés à l’échographie fœtale est suffisant en France.

J’attire votre attention sur le fait que beaucoup de ces praticiens sont très expérimentés dans leur domaine d’activité. Ils sont souvent référents dans leur circonscription ou région pour les examens de deuxième intention, mais également acteurs des CPDPN, vacataires hospitaliers et enseignants de l’échographie, tant dans le cadre de la formation initiale que continue.

En l’absence d’une prise en considération urgente de l’extrême précarité de la pratique de l’échographie fœtale en France pour les praticiens du secteur 1, on peut craindre l’installation, à très court terme, d’une inéquité d’accès au diagnostic prénatal.

Les familles risquent de n’avoir à choisir qu’entre un service public largement incapable de répondre à l’ensemble de la demande, un praticien du secteur 2 ou un médecin non-conventionné.

La grande majorité des échographistes du secteur 1 souhaite pouvoir rester dans le système conventionnel et refuse d'être contrainte de le quitter pour des raisons économiques. Elle refuse tout autant d'être désignée comme les responsables de la ségrégation sociale en matière d'accès au dépistage prénatal.

Les groupements professionnels et les syndicats (le SNUDE en particulier) alertent depuis plusieurs années les pouvoirs publics sur la dégradation des conditions économiques de la pratique de l’échographie fœtale et la désaffection qui la touche.

Il semble qu’il n’y ait plus de négociation possible et que la nouvelle convention supprime tout système d’adaptation acceptable pour les échographistes du secteur 1.

Je m’en remets à vous, Monsieur le Ministre, pour éviter que ne s’installe en France une échographie fœtale à niveau d’accès financièrement très différent.

Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à notre appel,

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en mes très respectueuses salutations.

Grenoble, le 28/01/05

Dr Marc ALTHUSER