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RECOMMANDATIONS POUR LA PRATIQUE ÉCHOGRAPHIQUE RPE CFEF

Malgré les recommandations du CNGOF en 2013 et de la CNEOF en 2016, les pratiques échographiques en France demeurent hétérogènes en ce qui concerne l’utilisation des mesures biométriques fœtales pour le dépistage et le diagnostic des anomalies de croissance fœtale. Ainsi, si la datation échographique et la réalisation de trois échographies (une par trimestre) avec mesures biométriques sont devenus la règle, les courbes utilisées pour la datation échographique de la grossesse, les biométries élémentaires et l’Estimation de Poids Fœtal diffèrent largement entre les praticiens.

Unique société savante dédiée à l’échographie fœtale, et regroupant plus de 1500 praticiens d’origine diverses : gynécologues-obstétriciens, radiologues, généralistes, autres spécialistes, sages-femmes, le Collège Français d’Echographie Fœtale a souhaité harmoniser les pratiques à partir d’un travail de fond sur les courbes et la littérature existante.

L’ensemble du groupe de travail et des relecteurs s’accordent à constater que le niveau de preuve général de la littérature sur l’utilisation de la biométrie fœtale dans le dépistage des anomalies de croissance est faible. Les limites de la littérature sont multiples :
- Incohérence des méthodes de détermination de l’âge gestationnel (DDR, datation échographique selon des formules différentes ou réservée au cas de discordance avec la date des dernières règles ou avec l’anamnèse, ...)
- Absence ou faible contrôle de qualité des mesures échographiques réalisées (données hétérogènes, multi opérateurs, rétrospectives, ...)
- Biais important lié à l’absence d’aveugle lors de la prise des mesures et effet de régression vers les valeurs attendues selon le référentiel utilisé au moment de la mesure
- Hétérogénéité des courbes et des seuils utilisés
- Hétérogénéité des formules d’Estimation de Poids Fœtal utilisées
- Hétérogénéité des issues des références de poids de naissance utilisés : poids de naissance inférieur à des seuils variables, selon des courbes variables
- Hétérogénéité des critères d’issues cliniques utilisés : tantôt “mous” pH ou Apgar à la naissance, transfert en soins néonataux ; tantôt “durs” : mortalité périnatale
- Impact de la prise en charge réalisée sur l’issue (ex : décision de naissance prématurée pour suspicion de RCIU qui finalement n’est pas confirmé, ou transfert en soins du fait de la prématurité mais non du poids, ...)

Pour toutes ces raisons, le groupe de travail a apporté le plus grand soin à la revue de la littérature mais a aussi intégré significativement les notions d’homogénéisation des pratiques et des référentiels, de contrôle qualité, et d’évaluation à court, moyen et long terme des pratiques.

Le présent texte constitue la version courte de nos recommandations pour la pratique échographique. La version longue avec la littérature et l’argumentaire est consultable dans les documents annexes.

Un module de questions/réponses fréquentes à destination des professionnels, des femmes enceintes, des conjoints et des correspondants complète également ce document et sera amené à s’enrichir au fur et à mesure. Enfin, un indispensable programme de formation et de contrôle qualité accompagne la mise en pratique de ces recommandations. Il sera accessible dès les prochaines semaines.

La datation consiste à établir une date désignée comme étant celle du début de grossesse. Il s’agit d'un prérequis incontournable en matière de biométrie et de suivi échographique de la croissance fœtale. Elle permet l’utilisation correcte des standards biométriques et par là toute réflexion sur la croissance fœtale et, le cas échéant, une attitude clinique adaptée. L’appréciation de l’âge gestationnel fondée sur cette datation a, entre autres, un impact sur le taux de détection des Petits Poids pour l’Age Gestationnel (PAG), sur celui des Gros pour l’Age Gestationnel (GAG) ou encore sur la morbi-mortalité périnatale potentiellement associée au terme de naissance (NP2).

Il est recommandé d’établir la date de début de grossesse sur la mesure échographique de la longueur cranio-caudale (LCC) pour toutes les grossesses mono-fœtales (NP2). Une sémantique spécifique est recommandée afin d’éviter toute confusion ou tout désaccord avec l’anamnèse ou les parents : par exemple DDGE = Date de Début de Grossesse Echographique (consensus d’expert).

L’utilisation de la mesure de la longueur cranio-caudale réalisée lors de l’échographie habituelle de dépistage du premier trimestre, c’est à dire lorsque la longueur cranio-caudale est comprise entre 45 et 84 millimètres, est recommandée préférentiellement à toute mesure ayant pu être effectuée auparavant (consensus d’expert). Afin d’homogénéiser et d’optimiser les pratiques, il est recommandé d’utiliser un standard de longueur cranio-caudale en cohérence avec les standards utilisés pour les biométries élémentaires et pour l’Estimation de Poids Fœtal (NP3).

Nous recommandons le standard Intergrowth21. Il est le seul à proposer des standards établis sur la même population au premier trimestre et plus tard dans la grossesse pour toutes les biométries : PC, PA et LF ainsi que l’EPF (consensus d’expert). Il est rappelé que les mesures utiles au dépistage du premier trimestre (clarté nucale, marqueurs sériques maternels, calcul du risque de trisomie 21) sont indépendantes du standard utilisé puisque directement ajustées à la valeur de la longueur cranio-caudale mesurée.

L’importance ultérieure, clinique et échographique, de la mesure de la longueur cranio-caudale est rappelée. Cette mesure échographique requiert donc la plus grande qualité technique dans sa réalisation. L’inscription des praticiens dans une programme d’auto et d'hétéro-évaluation de leur pratique est recommandé (consensus d’expert).

Si la datation n’a pas pu être établie avant la fin du premier trimestre (longueur cranio-caudale 84 millimètres), elle pourra être établie par défaut, sur des données anamnestiques et/ou sur la mesure échographique du périmètre céphalique, possible dès 14 SA sur le standard Intergrowth21. Il est recommandé de considérer cette datation comme “tardive” et, par là, imprécise (NP3).

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Les différentes biométries élémentaires, c’est-à-dire le périmètre céphalique (PC), le périmètre abdominal (PA) et la longueur fémorale (LF), ne contribuent pas de la même manière à la surveillance de la croissance fœtale. Le PA est le paramètre préférentiel à utiliser au même titre que l’EPF pour la surveillance de la croissance et des troubles de la croissance fœtale (NP2). Une longueur fémorale inférieure au 5ème percentile à l’échographie du 2ème trimestre pourrait constituer un signe d’appel précoce de trouble de la croissance fœtale (NP4).

La grande hétérogénéité et les limites déjà évoquées des études de la littérature nationale et internationale, ne permettent pas d’affirmer la supériorité d’une courbe de biométries élémentaires par rapport à une autre : la qualité des données échographiques, les biais de mesures, les seuils utilisés, les prises en charge cliniques sont très variables d'une étude à l'autre et impactent considérablement les performances obtenues avec les différentes biométries (Accord professionnel). Seuls les standards et référentiels les plus récents ou locaux ont été comparés.

Après avoir comparé les 3e, 10e, 50e, 90e et 97e percentiles des courbes biométriques du CFEF (recommandées par le CNGOF en 2013) de Chitty, d’INTERGROWTH-21 et de l’OMS, nous concluons :
- Concernant le PC : la courbe du PC du CFEF présente un risque de sous diagnostic systématique des microcéphalies en comparaison de toutes les autres courbes étudiées (NP4) et doit être abandonnée (Accord professionnel). Les courbes de référence de Chitty et les standards OMS et INTERGROWTH-21 sont très proches pour le 3e percentile du PC (NP4).
Compte tenu de la robustesse de sa méthodologie, de sa cohérence avec une méthode de datation, et des critères qualités correspondant aux recommandations actuelles de positionnement des calipers sur les tables osseuses externes, le standard INTERGROWTH-21 est applicable pour l’évaluation du PC (Consensus d’expert).

- Concernant le PA : La courbe de PA au 10e percentile du standard INTERGROWTH-21 est très proche de la courbe de référence du CFEF, avec des différences de mesures inférieures à 3 mm jusqu’à 32 SA et inférieures à 6 mm à 35SA (NP4). Ces différences sont plus importantes entre le standard OMS et la référence CFEF (NP4). Les courbes du 10e percentile de PA des standards INTERGROWTH-21 et OMS sont toujours supérieures au 10e percentile de la référence CFEF (NP4), écartant tout risque de sous-diagnostic de PA<10e percentile en passant à ces standards de croissance par rapport aux pratiques actuelles (Accord professionnel). Avant 36SA, INTERGROWTH-21 identifie plus de PA>90e percentile que la référence du CFEF (NP4). Au-delà de 36SA, le standard INTERGROWTH-21 identifie moins de PA>90e percentile que la référence du CFEF (NP4). De même, le standard OMS identifie plus de PA>90e avant 35SA et moins de PA>90e après 35SA, que la référence du CFEF (NP4).
Compte tenu de la robustesse de sa méthodologie, de sa cohérence avec une méthode de datation, et des critères qualités correspondant aux recommandations actuelles, le standard INTERGROWTH-21 est applicable pour l’évaluation du PA (Consensus d’expert).

- Concernant la LF : Au total, pour la LF, les 3 courbes CFEF, Chitty et INTERGROWTH-21 se superposent pour le 3e percentile et le -3DS au 2e trimestre. Toutefois au 3e trimestre, la courbe du CFEF est génératrice de plus de faux positifs de fémurs courts <3e percentile (accord professionnel). Les différences de mesures pour le 3e percentile selon OMS, sont difficiles à interpréter et diffèrent des tendances observées pour les autres courbes (accord professionnel). L’évolution de la qualité des faisceaux ultrasonores ayant un impact non négligeable sur la qualité de la mesure de la longueur fémorale, une courbe établie avec des appareils récents est préférable (NP4).
Le standard INTERGROWTH-21 va par ailleurs engendrer plus de fémurs supérieurs au 90e percentile que les autres courbes. Le 90e percentile de LF d’INTERGROWTH-21 se superpose au 97e percentile de la courbe de Chitty et au 97e percentile de la courbe OMS et est inférieur au 90e percentile de la référence du CFEF. Néanmoins, un sur-diagnostic de LF supérieure au 90e percentile isolée n’aura pas d’impact sur la prise en charge des patientes (accord professionnel).

Le contrôle qualité des mesures échographiques est indispensable pour l’amélioration des pratiques échographiques, pouvant réduire de moitié l’écart dans la distribution des erreurs des mesures échographiques du PC, PA et LF (NP2). Les proportions des différences entre les courbes du CFEF et d’INTERGROWTH-21 sont inférieures à 5% pour le 10e percentile du PA, le 3e percentile de la LF et le 3e percentile du PC.

En définitive, l’analyse de la comparaison directe des courbes et de la méthodologie de développement des références et standards, l’existence d’un standard de datation correspondant et cohérent, la possibilité de calculer des Z scores pour réaliser un contrôle de qualité simple et efficace, font recommander par le CFEF l’utilisation des standards INTERGROWTH-21 pour les biométries élémentaires échographiques PC, PA et LF (consensus d’expert).

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Il est recommandé de calculer l’estimation de poids fœtal (EPF) avec la formule de Hadlock à 3 paramètres (NP2).

L’EPF peut être calculée dès l’échographie du deuxième trimestre (à partir de 20SA).

Il est recommandé de réaliser une échographie systématique au 3ème trimestre pour le dépistage des fœtus PAG/RCIU ou macrosomes (NP2) et de réaliser systématiquement une EPF au cours de cette échographie du 3ème trimestre (NP2).

L’EPF doit apparaître clairement exprimée en grammes sur le compte rendu et doit être reportée sur le standard INTERGROWTH-21 correspondant (NP3) pour l’âge gestationnel, apprécié sur le même standard cohérent (NP4).

Le PA et/ou l'EPF doivent être utilisés en dépistage, avec un seuil au 10e percentile pour le dépistage du PAG/RCIU en population générale à bas risque (NP2). De 22SA jusqu'au terme de la grossesse, le 10e percentile d’INTERGROWTH-21 est toujours supérieur au 3e percentile du CFEF (seuil recommandé par le CNGOF en 2013) écartant tout risque de sous-diagnostic d’anomalie de croissance sévère en passant à ce standard par rapport aux pratiques actuelles (accord professionnel).

L’EPF peut être utilisée en dépistage de la macrosomie avec un seuil au 95e percentile sur le standard INTERGROWTH-21 (NP 4).

Il est recommandé d’attendre 2 à 3 semaines pour évaluer la croissance fœtale entre deux estimations (NP4) mais les échographies et l’EPF peuvent être plus rapprochées dans un but de surveillance ou de confirmation des mesures faites (consensus d’expert).

Le raisonnement médical échographique devrait intégrer d’autres paramètres (antécédents de PAG/RCIU, autres marqueurs de risque de RCIU, autres éléments échographiques que la biométrie : cinétique de croissance, liquide amniotique, Doppler...) afin d’optimiser le dépistage des anomalies de croissances (NP3).

Les erreurs dans les mesures des biométries et/ou de l'EPF doivent être prises en compte dans le raisonnement clinique et la communication avec les parents comme avec les pédiatres (accord professionnel). Ces mesures doivent être en outre être vues comme des variables continues et non simplement considérées comme normale ou anormale en fonction du seuil utilisé (NP3). Ainsi, le seuil du 15e percentile pourra être utilisé pour indiquer un contrôle de croissance, en cas de population à risque (antécédent, anomalie clinique, biologique ou Doppler) (consensus d’expert).

Dans un but d’optimisation du dépistage, la formation et l’inscription des praticiens dans un programme d’auto et d'hétéro-évaluation de leur pratique sont recommandées (consensus d’expert).

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Dans le but de délivrer des soins de qualité tout en maîtrisant l’évolution des dépenses, la promotion et la généralisation d’une Démarche Qualité s’inscrit dans une politique de santé publique.

La mise en place de systèmes de formation et de contrôle de qualité adéquats, reproductibles, facilement généralisables et automatisables permet d’assurer aux soignants comme aux soignés la meilleure garantie de la qualité des actes effectués (consensus d’expert).

La démarche proposée s’inspire de celle mise en place depuis 15 ans pour la mesure de la clarté nucale. Cette démarche a permis d’améliorer les pratiques (NP2) et a, sans doute, représenté une des avancées majeures de l’histoire de l’échographie prénatale.
- Le contrôle qualité de l’image de la mesure de la longueur crânio-caudale est l’étape initiale et indispensable pour l’interprétation ultérieure des biométries fœtales. (NP4).
- Le contrôle qualité des images de biométries fœtales permet l’amélioration de la qualité individuelle des mesures et de la pertinence des examens. Il contribue également à une meilleure respect des consignes professionnelles concernant les plans de coupe utilisés pour l’analyse morphologique des fœtus (NP2).
- L’analyse de la distribution des mesures biométriques par l’intermédiaire du Z-score permet de réduire de moitié l’écart dans la distribution des erreurs (NP2). Il est donc recommandé de pouvoir réaliser la transformation des mesures en Z scores de manière précise et automatisable.

Plusieurs études ont montré qu’un biais dit “de valeur attendue” se produit fréquemment lors de la prise des mesures, l’opérateur adaptant la position des calipers de sorte que la valeur obtenue soit “cohérente” avec sa perception intuitive ou clinique. Cet aspect qui contribue à biaiser certaines études comparatives entre plusieurs référentiels (cf. plus haut) influe la valeur prédictive potentielle des examens et doit être pris en compte dans le contrôle qualité de la distribution des mesures biométriques (NP 3). En vue d’en minorer les effets il est recommandé de s’assurer que les mesures affichées sur l’écran de l’échographe correspondent bien au standard retenu voire que l’affichage du centile et de la mesure soit supprimé (consensus d’expert).

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FAQ : un document sur les questions que vous vous posez à propos de ces recommandations du CFEF.

En annexe : un guide pratique à l’usage des échographistes, des éditeurs de logiciels et des constructeurs permettant d’homogénéiser les différents calculs, l’affichage et la présentation des résultats.



COLLÈGE FRANÇAIS D’ÉCHOGRAPHIE FŒTALE