INDEMNISATION DU HANDICAP

SUITE A L'ARRET DE LA COUR DE CASSATION DU 17 NOVEMBRE 2000
(DIT "AFFAIRE NICOLAS PERRUCHE")
ET EN L'ABSENCE DE DÉCISION LÉGISLATIVE


LE DIAGNOSTIC ANTENATAL REMIS EN QUESTION ?

CESSATION PROCHAINE DES ECHOGRAPHIES DE GROSSESSE ?

Madame, Monsieur le Député; Madame, Monsieur le Sénateur;

Le SYNDICAT NATIONAL DES ULTRASONOLOGISTES DIPLOMES (SNUD) est un syndicat regroupant les médecins échographistes.
Ces médecins spécialistes, hautement diplômés, attachent une particulière importance à la qualité de leurs prestations et de leur formation.
Le SNUD se préoccupe à ce jour, avec anxiété du devenir de l'échographie obstétricale qui nécessite une technique particulière et une assurance garantissant la responsabilité professionnelle.
Il faut que vous soyez informés que l'échographie obstétricale est actuellement menacée de disparition pure et simple par un récent arrêt de la Cour de Cassation.
Un arrêt fortement médiatisé de la Cour de Cassation statuant en Chambre Plénière, du 17 novembre 2000, menace la profession des échographistes mais aussi plus largement celle des gynécologues voire des médecins néo-natalogistes.
Cet Arrêt n'est en fait qu'une demi surprise dans la mesure où la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation avait déjà statué le 26 mars 1996 dans la même affaire par des attendus identiques. La Cour d'Appel avait toutefois résisté et le litige était revenu à la Cour de Cassation statuant en assemblée plénière.
Cette longue procédure ne concerne pas directement un échographiste mais un médecin de laboratoire qui avait mal interprété ses résultats, suite à la recherche d'anticorps rubéoleux.
Cette décision est juridiquement originale, dans la mesure où elle affirme entre les lignes que les médecins avaient causé la naissance de l'enfant, et que finalement c'est cela le préjudice qui ouvre droit à réparation.
Ce message de la Cour de Cassation est particulièrement préoccupant dans la mesure où s'il est déjà philosophiquement discutable d'affirmer que l'enfant est en soit un préjudice " réparable ", en tout état de cause de nombreux problèmes découlent de l'interprétation de cet arrêt.
Le premier problème est celui de la définition du handicap.
On sait que l'article L 162.1 du Code de la Santé Publique prévoit que l'interruption hors délai de la grossesse est possible " s'il existe de fortes probabilités que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ".
Le problème se pose lors d'une affection grave, pas forcément incurable, mais qui débouchera sur un handicap.
Dans cette hypothèse et en l'état de la jurisprudence, il n'est pas du tout exclu que l'enfant puisse se retourner contre les professionnels médicaux, et au premier chef, les échographistes, mais également à terme, contre ses parents, même si aucun arrêt n'existe en ce sens, à ce jour.
Par ailleurs, se pose le problème de la tolérance au handicap et l'on ne peut être insensible aux multiples protestations des associations de handicapés, qui estiment à l'image de Monsieur DESSERTINE, Président de l'Association d'Entraide des Polios et handicapés que : " cet arrêt remet en cause le handicapé en tant que personne humaine et citoyenne ".
Que par ailleurs et enfin, pour compliquer le tout, chez les parents existe un seuil de tolérance au handicap très différent, car pour certains, le mongolisme pourra être supportable, pour d'autres une malformation d'une main sera intolérable.
Enfin et au delà, se posent pour d'autres professions, comme les néo-natalogistes ou les gynécologues obstétriciens, les problèmes de réanimation des nouveaux nés.
Finalement, au vu de cette jurisprudence, ne vaudrait-il pas mieux ne pas réanimer des enfants nés à cinq ou six mois et qui statistiquement peuvent développer des handicaps ?
Ne faut-il pas pour le médecin échographiste militer pour l'avortement systématique si le fœtus n'est pas parfait ?
Les médecins échographistes entendent donc interpeller leurs élus, aux fins d'attirer leur attention sur la nécessité qu'une loi intervienne et ne laisse pas le champ libre à la jurisprudence, par ailleurs discordante entre la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat.
La multiplication des recours qui ne vont pas manquer d'être formés par des personnes atteintes de handicaps, va faire peser sur les médecins échographistes, des charges nouvelles, notamment en assurance, laquelle va devenir totalement inabordable (il est question de sommes de l'ordre de 500.000 francs par an. !).
Pour éviter les dérives jurisprudentielles, le Législateur a, en 1998, statué, concernant les risques de développement des produits médicamenteux. La même force de décision doit être mise en ouvre pour solutionner les soucis majeurs des échographistes.
Le législateur doit donc créer un fond d'indemnisation assurant la protection des handicapés au long de leur vie.
Ce fond aurait pour but de gérer les aléas thérapeutiques et diagnostiques, la médecine n'étant pas et ne pouvant être une science exacte. Cette affirmation ne signifie pas naturellement que les médecins ne doivent pas assumer leurs éventuelles responsabilités professionnelles, auxquelles ils n'ont jamais entendu se soustraire. Toutefois, il est évident que compte tenu des problèmes évoqués ci-dessus, il ne leur est pas possible d'envisager de prendre en charge à vie durant, le handicap d'une personne et d 'un enfant qui reprocherait à ses interlocuteurs d'être né.
Or, par hypothèse, l'information éclairée de l'embryon étant impossible, on assistera inéluctablement au cours de ces prochaines années, à une multiplication de ces actions.
Par ailleurs, la loi doit forcément poser la définition du handicap indemnisable, car à défaut, même l'information que pourrait donner le médecin, serait forcément inappropriée dans la mesure où la sensibilité de chacun est sur ce point extrêmement différente.
Je vous demande donc, Madame ou Monsieur le Député, Madame ou Monsieur le Sénateur, de faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale :
- la création du fonds d'indemnisation du handicap,
- de faire définir de façon législative, la notion de handicap, pour que l'interprétation de l'article L 162.1 du Code de la Santé Publique puisse être claire et efficace.
- d'établir par voie législative la séparation de l'indemnisation du préjudice moral (qui sera due par l'auteur d'une faute caractérisée de diagnostic), de l'indemnisation du handicap qui sera supportée par la communauté, au titre de l'absence de relation entre la méthode du diagnostic et la survenue d'un handicap.
Je vous prie de croire, Madame ou Monsieur le Député, Madame ou Monsieur le Sénateur, à l'expression de ma très haute considération.